06 novembre 2006

Tout petit matin

Le problème quand ça fait longtemps qu'on a pas joué à la princesse et que soudain il nous prends l'envie de recommencer, c'est qu'on a vieilli. Imperceptiblement, sans rides, sans marques. Le corps a simplement pris l'habitude d'être traité de façon civilisé et ne pense même plus à dire merci tellement ce n'est que normal.

Fiez-vous sur moi que vous allez le savoir si vous décidez de supprimer les privilèges de grands-mères.

Ça doit faire plus de 18 mois que mon choix de chaussures se limite aux gougounnes à strap entre les orteilles, espadrille ou soulier de marches. Que du bon soulier qui respire bien, qui soutient comme il faut et surtout, que du soulier sans talons. J'ai le bassin enligné moi madame, la courbure illiaque qui sait se tenir et la tête droite.
Euh non, j'ai le body qui a appris à compenser un déplacement C3-C4 qui revient tout le temps, une courbure trop creusée et un bassin plus bas à gauche qu'à droite. Et dès qu'on rajoute à ça un deux pouces et demi de talons, j'ai les fesses qui ressortent, la totalité du poids du haut du corps qui repose sur mon bassin croche et le cou qui tire - qui tire fort.

Si bien que je me tappe le mal de tête du siècle depuis deux jours. Je me couche avec, je me lève avec, je me traîne avec à la journée longue. J'ai un trou dans les tempes à force de masser pour soulager la tension. Je peux dessiner sur mon crâne exactement où passe le nerf entre le sinus et l'homoplate ; c'est là que ça fait mal. Je calcule précisément pendant combien de minutes dans la journée j'ai besoin de porter mes verres de contact, parceque je ne peux pas les endurer plus de 6 heures d'affilées (on parle de la fille qui pouvait les garder trois semaines sans les laver ici). Je les porte uniquement parceque je dois pouvoir mettre mes lunettes de soleil à l'extérieur, même par temps nuageux. J'ai forfaité mes écouteurs. J'ai éteint la radio de la voiture. J'ai mal à la tête.

Je me suis couchée à 20h hier soir. Bénis soient le silence et la noirceur.
Je me suis réveillée à minuit, fraîche comme une rose.
Je me suis levée, juste le temps de me brosser les dents.
Je ne suis pas maniaque, mais ça me dégoûte un peu les dents sales.

Sauf que j'aurais du les endurer. Le mal de tête est revenu en force et le sommeil s'est éclipsé.

Entre moi qui souffre, Kitty qui stresse devant le voyage à Washington de ce matin, Roxy qui lèche le plancher et le réveil qui nargue chaque minute de précieux sommeil envolé, il y a des rêves qui se perdent.

J'ai jetté la serviette à deux heures du mat et j'ai rejoint le divan avec une bonne dose d'ibuprofène. Au moins Kitty a pu dormir trois heures avant la sonnerie du réveil.

Parce que - et tout le point de ce post est là - le départ pour l'aéroport devait se faire avant 6h ce matin. Départ du vol à 9h40, 1h30 de route à faire et des manifestations dans la capitale en plus du traffic habituel d'un lundi matin.

À 5h55, les deux corps épuisés sont dans la voiture. À 5h58, en passant devant le dépanneur, les deux zozos qui voudraient tant être couchés sont éberlués de voir pas moins de 5 personnes amassées sur le perron, attendant l'ouverture. À 6h00 les deux zozos retournent à la maison chercher l'adapteur du lecteur de musique et remarquent que la foule a disparue à l'intérieur du dépanneur maintenant ouvert. À 6h03, une fois partis dans la bonne direction, les étonnés rencontrent 3 personnes marchant au bord de la route en direction des vignobles. À 6h08, les deux expat-depuis-plus-de-17-mois voient que le casse-croûte qu'ils avaient toujours cru out of buisness puisque toujours fermé est bien ouvert et semble bien faire de bonnes affaires. À 6h15, le train est à la gare d'Alsőörs, à demi rempli de gens bien réveillés en route pour le boulot.

Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes encore moins intégrés qu'on ne le croyait. On peut même dire qu'on a jamais encore vécu une journée en Hongrie. Parceque la vie ici, c'est une heure avant l'aube que ça se passe. Le social se fait sur le perron du dépanneur à la noirceur, la messe se tient aux matines - à 6, pas à 9h - et vu comme ça, ce n'est pas surprenant qu'à 14h, il n'y ait plus personne au boulot.

Pendant quelques minutes, j'ai eu le goût de m'y mettre moi aussi. Travailler une vraie matinée et vivre ses journées en après-midi. Imaginez les choses que l'on peut faire quand on arrive à la maison à 14h30. Toute une après-midi à occuper! Que de temps pour popotter, promener le chien, écrire!

Sauf que.

Sauf qu'avec 5 à 9 heures de décallage avec l'Amérique, il faut quelqu'un pour répondre aux clients en temps réel de temps en temps.
Sauf que bien franchement, à part les soirs de mal de tête, c'est plutôtdifficile de me convaincre d'aller au lit à 20h.
Sauf que je me connais, ça va revirer en autant de culpabilité à passer des après-midis ensoleillés écrasée à ne rien faire parce que juste envie de relaxer. L'inactivité passe toujours mieux quand il fait noir dehors.

Je vais continuer à profiter des étoiles du soir dans le silence plutôt que de celles du matin au son des cloches. Je vais continuer à travailler jusqu'à tard et à trouver que la levée du corps vient trop vite le matin. Je vais aller prendre une autre dose d'ibuprofène, avant que le mal de tête se se refasse sentir.

PS: qui a parié que je portais quand même mes talons aujourd'hui? Vos avez gagné, mais c'est seulement parce que mes jeans sont trop longues et trainent dans la boue sinon...

1 commentaire:

tirui a dit...

fais comme moi, replie les bas de jeans, mets des chaussures sans talon, et comme ça tu gardes ta tête loin des migraines.